Avec ces Feuilles de route de Thierry Beinstingel, voilà le troisième grand ensemble d’écriture avec Internet que nous rassemblons.
Il y a des ancrages communs à ces trois ensembles : Perec en est un, certainement. La curiosité des autres, aussi, certainement. Et que cette curiosité croise ou traverse sans cesse le chemin des livres.
Ce qu’il y a de spécifique à Thierry Beinstingel, c’est la publication, au cours de ces trois ans de chronique, de ses deux premiers livres chez Fayard.
Beinstingel, on le sait par Central, le premier de ces livres, travaille à France Telecom, ce n’est pas un secret. Il assumera, jusqu’à aujourd’hui, l’étrange situation de travailler en entreprise et de publier des livres, cela parfois ne lui rendra pas la vie facile, ni dans l’entreprise, ni dans l’écriture. Mais c’est cet ancrage, cette route droite, qui lui a permis à l’automne dernier d’écrire cette réflexion romanesque sur les chemins de vie associés au travail, dans CV roman.
Au début, je croyais un peu naïvement que c’est ce travail qui avait donné à Thierry son goût d’Internet, et nous avoir rejoint si tôt dans les expériences en ligne. Aujourd’hui que je le connais mieux, je serais plutôt à le titiller pour qu’il dote enfin Feuilles de route d’un flux rss...
Ce qui est passionnant dans l’expérience d’écriture en ligne de Thierry, c’est qu’elle trouve très tôt ses principales figures : notes de lecture, et quel lecteur, de Claude Simon et Marguerite Duras à Salvaing ou Christine Angot, via Moitessier, Joinville, ou, au hasard des librairies, des étals, de Detambel à Beckett, via René Fallet ou Charles Juliet ; notes d’écriture, l’accompagnement permanent de la gestation des livres, heurts, pannes, soubresauts, mais aussi la fabrique du livre, le service de presse, les émissions à France-Culture à parution, ce qui vient dans le carnet, ou par les discussions, les rencontres ; enfin les étonnements : vie professionnelle, vie familiale, la curiosité d’être, l’observation, les routes qui le ramènent au pays de Rimbaud.
Comment ne pas penser, dans ces entrecroisements, aux Carnets de notes de Pierre Bergounioux ? L’outil a pu changer, avec la publication en ligne, mais le travail de celui qui chemine vers un livre, entre lecture, écriture, saisie du monde, est la même discipline pour chacun. Et c’est ce que Thierry Beinstingel nous donne à lire.
Un autre tome suivra, avec les trois années suivantes. Mais nous avons choisi de respecter l’intégralité du parcours : voilà 440 pages de ce que le journal en ligne de Thierry Beinstingel a rassemblé au fil des jours, quatre années consécutives, dans une période où les sites littéraires étaient plus rares – on ne s’étonnera donc pas de quelques croisements.
Feuilles de route : c’est le titre d’un livre de Cendrars. Et Thierry Beinstingel met en exergue ce poème de Cendrars, sur les îles. Peut-être que c’est une clé pour entrer dans ce journal : île de l’écriture, îles de la vie professionnelle, familiale, île que représente chaque livre ouvert.
Pour cela qu’on en propose, en libre accès, de larges pans. Autre chose : nous sommes, à publie.net, une équipe bénévole. Nous proposons téléchargement gratuit de Feuilles de route à qui accepterait de dresser un des index que nous souhaitons y joindre : auteurs cités, livres lus, lieux traversés... Nous prévenir si volontaire !
Un merci particulier à Sarah Cillaire pour relecture, composition et mise en page.
FB