Qui parle ici ? Des parleurs, ou la parole elle-même ? Forêt des mots fait alterner deux écritures. Dans l'une, narrative, poétique, et de loin la plus brève, un « je » anonyme décrit l'errance d'un « nous », communauté, tribu dont il se fait le porte-parole au coeur d'une forêt sans issue. L'autre, dialoguée, théâtrale, espace uniquement verbal campé par les voix qui l'animent, met en présence un nombre indéfini de « je » eux aussi dépourvus de nom, eux aussi égarés parmi les arbres, les brumes, la nuit, et qui palabrent en essayant de se doter d'une cause et d'un destin communs. Ces deux espaces communiquent-ils ? Au lecteur d'en décider : si certains éléments l'indiquent, toutefois le ton de l'un pourrait être celui d'une sombre épopée, tandis que l'autre relève presque de la farce.
Drame, comédie, conte, épopée du langage ou satire de l'humanité à travers son langage, Forêt des mots est inclassable mais il n'est certes pas dénué d'échos avec les faits les plus contemporains, les plus universels, dès lors qu'ils impliquent les us et abus de la langue. Comme les voix qui le peuplent, le livre porte catégories, lieux communs et bavardages, belles promesses et nobles mots à la lumière, avant qu'ils s'y dissolvent et retombent dans le magma de la parole.