1956. À quinze ans, il grandit sans enthousiasme, malade un jour sur deux, des quintes de toux à n'en plus finir, et traîne avec son copain Blumberg. Son père, acteur célèbre, est souvent en tournée. Sa mère, délaissée, est neurasthénique. Le médecin les envoie aux sports d'hiver. Entrent en scène un play-boy des montagnes et une jeune beauté. Toutes les cellules vont se recomposer.
Des terrasses ensoleillées de l'hôtel Arbois Bettex aux déambulations dans le Paris de la Nouvelle Vague, des concerts de jazz à l'Olympia aux studios de la Victorine à Nice, des réceptions bourgeoises du 16e arrondissement à La Colombe d'Or à Saint-Paul-de-Vence, Bertrand Blier réinvente son enfance.
« Ça tire vers l'autobiographie, prudemment », dit-il. Dans ce récit tiraillé entre mémoire et imaginaire, son sens de l'absurde et de la provocation s'exprime pleinement ; il laisse aussi paraître sa dimension la plus sensible.
« La Plymouth s'arrête devant un petit bungalow à triste figure, tout le monde descend : Clouzot, sa femme, mon père, ma mère et moi. Clouzot nous fait rentrer dans une salle de projection où nous prenons place, puis il va embrasser ses monteuses qui sont au premier rang et attendent, et il fait signe au projectionniste qu'il est temps d'envoyer le film. Extinction des lumières. L'écran s'allume et j'assiste à la naissance du chef-d'oeuvre.
Fin de la projection. Tout le monde s'en va en silence et passe devant la porte où est embusqué Clouzot pour recevoir les compliments.
J'ai les larmes aux yeux. Clouzot me caresse la tête. »