Franz Erhard Walther : l'usage de la forme
Les années fondatrices (1953-1972)
« Dans mon œuvre, il n'y a que des fragments », avance Franz Erhard Walther, et cette déclaration en forme de constat dit plusieurs choses sur la structuration même de son art et sur la façon dont on peut circuler en son sein. Elle nous renseigne d'emblée sur « le labeur assidu » de l'« atelier même » et son « emprise magique » sur l'artiste puisque ces deux éléments sont, si l'on en croit Walter Benjamin, définis dans et par la forme du fragment : elle serait cette espèce singulière, parmi d'autres possibles, de « césure », capable de recueillir donc, de nous faire voir et entendre, c'est-à-dire aussi de nous donner à imaginer, la puissance de travail d'une vie par sa configuration formelle même, par sa capacité d'interruption. « Les œuvres achevées ont pour les grands hommes moins de poids que ces fragments sur lesquels leur travail dure toute la vie. Car seul un homme plus faible, plus distrait, peut prendre un plaisir incomparable à conclure et ainsi se sentir à nouveau rendu à la vie. »
Franz Erhard Walther (Fulda, 1939) est une figure majeure de l'art occidental, qui interroge, depuis le milieu des années 1950, le rôle et la place du public dans la saisie de l'œuvre, de même que le statut de cette dernière. Créateur du 1. Werksatz (Ensemble d'œuvres n° 1) (1963-1969), qui se compose de cinquante-huit objets à activer, il a fait de la participation du spectateur une donnée motrice de son art.
Cet essai, le seul disponible en français sur cette question, s'attache à proposer une archéologie de son œuvre à travers l'histoire des premières années de son parcours. Il analyse en particulier un dispositif créé par Walther lui-même, avec lequel ce dernier met en espace sa propre interprétation de son ensemble majeur. L'usage de la forme devient ainsi et aussi une pensée de l'acte et en acte.