René Vázquez Diáz s'inspire de la figure réelle de Fredrika Bremer (1801-1865), romancière de renom qui eut un grand rôle en Suède, tant littérairement que politiquement, et fut très populaire notamment par ses prises de position dans la lutte féministe naissante. A partir d'un voyage réel qu'elle fit aux Etats-Unis et à Cuba, Vázquez Diáz confronte cette personnalité puissante à un monde plein de contradictions et d'injustices.
Au contraire d'un Voltaire qui, dans Micromégas, se place volontairement dans un monde imaginaire pour construire un conte philosophique, Vázquez Diáz utilise des éléments bien souvent historiques pour créer un véritable univers romanesque qui éclaire le destin de personnages singuliers comme de Cuba. Le gouvernement colonial espagnol sent bien que l'île risque de lui échapper et réprime toute tentative de libération. La tentation de chercher dans le grand voisin du Nord un allié divise les révolutionnaires.
Que Fredrika Bremer ait ou non croisé Narciso Lopèz, le précurseur de l'indépendance cubaine, Sauvalle, rebelle né, un esclave noir à l'intelligence rare, R.W.Emerson, le grand poète américain, ou l'Evêque lubrique Tegnér, nous importent peu : ce qui nous fascine, c'est l'aventure d'une femme, pleine de passion et de sensibilité, qui observe et décrit magnifiquement la fin d'un monde où déjà sont présentes les contradictions futures (à l'impérialisme espagnol succédera la volonté de puissance des Etats-Unis, à l'esclavagisme une autre forme de domination).
Après L'île du Cundeamor (1997) et L'Ere imaginaire (1999), René Vázquez Diáz nous surprend une nouvelle fois par son souffle romanesque - rare sous nos latitudes.