«Je n'ai jamais voyagé vers autre pays que toi mon pays»,
a pu affirmer, tout au long de sa vie, le poète Gaston Miron,
tant il a épousé le destin incertain du Québec. Mais rien n'est
plus éloigné de sa poésie que la notion de régionalisme ou
d'exotisme. Ce poète a su, à partir de ses héritages, se nourrir
des grands espaces et s'ouvrir à l'universel. Intellectuel
engagé, il a dénoncé la situation d'aliénation linguistique,
culturelle, des Canadiens français, et défendu avec passion
l'existence de la langue française en terre nord-américaine.
En tant qu'éditeur et cofondateur de l'Hexagone, il a travaillé
à l'épanouissement de la poésie québécoise contemporaine
et à la reconnaissance d'une littérature autonome, mais
son engagement poétique a été incontestablement sa plus
grande passion. L'Homme rapaillé, son oeuvre unique sans
cesse reprise, reconfigurée, retrace la marche forcenée d'un
poète en quête de son unité, un poète qui se dit empêché
d'écrire et qui s'invente tel un naufragé dans sa langue.