Le séjour de Gauguin à Tahiti aura autant contribué à sa célébrité qu'à la méconnaissance de son oeuvre et de l'esprit d'aventure qui la porta. Désormais assigné à résidence dans les clichés d'un exotisme de pacotille, il sert de fond de commerce à un tourisme antipodique en mal d'ensauvagement « soft ». À rebours de cette légende, l'histoire et les choix de Gauguin révèlent une tout autre version. Celle d'un artiste moins soucieux d'arriver à destination d'un hypothétique paradis perdu que d'être en partance. En témoignent ses voyages qui furent multiples, du Pérou de son enfance à son 'dernier décor' à Hiva Oa, en passant par le Brésil, Panama, la Martinique, le Danemark, la Bretagne et la Provence. Autant de déplacements et d'écarts plus ou moins lointains où se font entendre le désir et la nécessité de quitter rivages et frontières, quelle qu'en soit la nature. Ceux d'une tradition esthétique européenne sclérosée et d'une hiérarchie entre les arts et les genres, celles qui séparaient arts savants et populaires et confinaient dans une réserve ethnologique les esthétiques venues d'ailleurs.