Vénérée par les uns et détestée par les autres aux XIXe siècle, technicisée et redoutée au XXe siècle, l'idée de progrès a été forgée par les Lumières dans le creuset d'une lutte opiniâtre. Comment en est-on venu à aplanir la temporalité circulaire assigné aux affaires humaines depuis la plus haute Antiquité ? L'histoire n'enseignait-elle pas que les collectivités étaient soumises à des vicissitudes constantes qui voyaient alterner, comme l'aurore et le crépuscule, succès et échecs, grandeur et décadence ? La difficulté allait être levée en prenant pour sujet le genre humain, son rapport au monde physique, sa capacité d'en percer les secrets, de domestiquer, transformer, artificialiser la nature. Les civilisations avaient beau se succéder, l'homme, disait-on, était destiné, en tant qu'être doué de raison, à s'améliorer. Cette exaltation de l'homo faber ouvrait la voie à l'établissement d'une hiérarchie entre les collectivités humaines qui réduisait l'altérité à autant d'écarts sur une trajectoire dont la civilisation occidentale représentait le dernier degré de complétude. Pourtant, l'idée de progrès n'a jamais cessé d'être combattue. Bien que les conceptions concurrentes formées sur les figures du pessimisme historique, de l'antirationalisme, ou du relativisme culturel aient été en partie marginalisées au siècle des Lumières, elles n'ont pas été abolies pour autant. Leur regain actuel face à la crise environnementale et aux malaises suscités par la mondialisation en témoigne. Soucieux de leur accorder une égale importance, l'ouvrage renouvelle l'historiographie du progrès en réunissant une somme d'opinions sur le processus de civilisation tel qu'il fut représenté par ses défenseurs et ses détracteurs les plus convaincus. En conclusion, l'auteur offre une interprétation sur les ressorts socio-affectifs du progrès qui doit son pouvoir de persuasion au fait qu'il a aussi été le grand consolateur de la modernité. Un consolateur cruel par les sacrifices justifiés en son nom.