Les travaux antérieurs menés au travers des actes de la pratique sur la Genèse médiévale de l'Anthroponymie moderne, ont montré la puissance des mutations animant entre le xe et le xiiie siècle le système de dénomination des personnes en Occident. Bien des régions ou aires culturelles restent à mieux étudier, notamment la France du Nord et de l'Est, les Flandres, les pays anglo-saxons, nordiques et germaniques. Mais là où les enquêtes présentent quelque notable densité, en France centrale et méridionale, dans les péninsules ibérique et italienne, les résultats révèlent une évolution très sensible des modes de désignation.Le système à deux éléments, associant au nom personnel un surnom individuel ou collectif, s'impose dans les milieux aristocratiques en l'espace de trois ou quatre générations, devient majoritaire au plus tard vers 1130. Le mouvement est plus inégal pour les roturiers et les clercs, traînant ici ou là en longueur sur les xiie et xiiie siècles, plus longtemps encore pour les femmes. Mais partout ou presque, progressivement mais sûrement, s'affirment un resserrement du stock des prénoms utilisés, une concentration des choix sur quelques noms essentiellement issus du panthéon de l'Église de Rome, une préférence agnatique, une sélection anthroponymique du choix des parrains. Ces faits démontrent que les usages administratifs — le nom qui s'écrit — ne sont pas seuls concernés, que le mouvement touche aux pratiques culturelles, sociales et familiales : au nom qui se donne et se dit. Et même s'il s'agit d'une évolution plutôt que d'une révolution, les transformations enregistrées n'ayant pas toutes et partout la rapidité et donc la brutalité qu'implique le second terme, il reste qu'en deux siècles et demi tout change, profondément.