Geoffroy de Montalembert fut une figure mémorable de l’histoire parlementaire de la France sous trois Républiques. Député d’Yvetot en 1936, membre du Conseil de la République puis du Sénat de 1946 jusqu’à sa mort en 1993, il détient un record de longévité politique. Sa carrière, commencée dans le Nord au sortir de la Grande Guerre, croisa toutes les personnalités qui comptèrent en France de la Troisième à la Cinquième République : entre autres François de Wendel, dont il épousa la fille, le général Weygand qui le convainquit un temps, en juin 1940, que la guerre était définitivement perdue, le général de Gaulle qu’il rejoignit dès l’époque du RPF, René Coty aux côté duquel il représenta la Normandie au Parlement, André Bettencourt et Jean Lecanuet avec qui il fit liste commune à plusieurs scrutins sénatoriaux, Charles Pasqua, en compagnie duquel il dirigea le groupe gaulliste au Sénat et Jacques Chirac. Entre les ors des palais républicains et les cours de ferme du pays de Caux, dont il fut l’élu pendant près de soixante ans et où il administra la commune d’Ermenouville, il illustra d’une manière originale la figure traditionnelle du notable. Issu de la plus ancienne des noblesses, il trouvait la source de son engagement auprès de « ses populations » et de la France dans une notion de service que l’historiographie a souvent regardée avec suspicion et qui est ici revisitée. C’est à un réinvestissement d’une vieille éthique aristocratique dans la République qu’on assiste avec ce personnage haut en couleurs, dont l’auteur a pu faire l’étude grâce aux archives considérables qu’il a laissées.