À première vue les Églises chrétiennes ont perdu au cours des deux derniers siècles une grande partie de leur légitimité. On parle tous azimuts de dérégulation institutionnelle, d'affaiblissement des religions traditionnelles, de baisse de la croyance en Dieu. On ne peut pourtant pas s'arrêter à ce simple constat. D'abord, même en régime de stricte laïcité, les «grandes religions», et singulièrement le christianisme, restent les cultes privilégiés, bénéficiant d'avantages institutionnels et matériels importants. Ensuite, cet affaiblissement, caractéristique européenne et plus encore française, ne concerne ni les États-Unis où les églises protestantes sont plus que jamais dominantes, leur proximité des cercles de pouvoir s'étant même accentuée durant les cinq dernières présidences, ni l'Asie, qui connaît une croissance du christianisme, ni l'Amérique latine, ni encore l'Afrique qui est le terrain d'affrontements entre les prosélytismes chrétien et musulman. Les christianismes, dans leur version moderniste ou anti-moderniste, se sont adaptés à la globalisation technologique et économique. Ils se sont, en outre, ajustés aux recompositions actuelles de la foi à travers les mouvements charismatiques aussi bien catholiques que protestants. L'orthodoxie, quant à elle, reste une des variables déterminantes des équilibres balkaniques. Au-delà de la scène nationale, ces mouvances sont en compétition sur la scène transnationale.