Gilles Deleuze : philosophie et littérature
Le livre de Catarina Pombo Nabais va assurément prendre une place significative parmi les textes qui nous rendent Deleuze enfin accessible. Que l'on ne se trompe pas sur le sens de ce mot : il ne s'agit pas de rendre Deleuze plus simple ou plus facile à comprendre. Pour aider à pénétrer une pensée complexe, on n'a jamais trouvé d'autre moyen que de la compliquer un peu plus, en y rendant sensibles les choix non explicités, les pistes écartées, les transformations effacées ou les obstacles aplanis.
Le livre que l'on va lire ne manque pas à cette règle de bonne méthode. Autant dire qu'il ne promet rien à ceux qui chercheraient un « Deleuze sans peine ». L'accessibilité dont je parle veut dire autre chose : le réglage de la distance à partir de laquelle on peut faire coïncider l'accès à une oeuvre avec l'ouverture d'un espace problématique, ou encore la sortie nécessaire pour pouvoir pénétrer ce qui, d'une pensée, a fait effet sur nous. [...] Parce qu'elle vient d'un peu plus loin, parce qu'elle appartient à une génération pour laquelle les conflits sanglants des machines désirantes avec la loi du père - marxiste ou freudien - sont de l'histoire ancienne, Catarina Pombo Nabais a pu définir un accès sensible et raisonné à l'un de ces points privilégiés où la philosophie deleuzienne se construit hors d'elle-même en investissant un espace « non philosophique », celui de la littérature. [...] Il ne peut être question de résumer un travail qui s'attache à suivre, à travers l'analyse fine de quelques singularités, toutes les transformations de la pensée deleuzienne de l'expérimentation littéraire, entendue comme expérimentation de possibilités de vie.