En 1912 les colonisateurs allemands, présents au Burundi depuis
1896, fondent au centre du pays une nouvelle ville, Gitega, destinée
à en devenir la capitale. Quatre ans après, la Guerre mondiale
les force à abandonner ce chantier aux conquérants belges venus du
Congo.
Gitega offre un exemple de création ex nihilo d'une ville à vocation
administrative et commerciale. A partir des archives coloniales et
des témoignages de vieux Burundais, cette histoire a pu être reconstituée
au ras du sol : le choix du site sur un plateau herbeux, la difficile
collecte des matériaux et le recrutement d'une main-d'oeuvre, le
désarroi de la population locale face aux nouvelles disciplines et les
calculs de ses chefs, le lancement du commerce dans une région où
la monnaie était quasi absente, l'ébauche d'une scolarisation.
Gitega, de 1912 à 1916, est comme un microcosme de la logique
coloniale, avec sa brutalité et ses ouvertures. Par-delà tout exotisme,
cette situation à l'ouest de l'Afrique orientale allemande évoque
aussi celle du Far West américain à la même époque. On y retrouve
les agents d'un ordre impérial en construction sur le terrain, mais
aussi les jeux d'aventuriers de toutes origines (ici asiatiques et africaines),
habituels dans les situations porteuses de nouvelles frontières
économiques et culturelles.