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C'est à Berlin, en 1926, que le réalisateur russe S. M. Eisenstein
découvre l'utilisation architecturale du verre et la place qu'il
occupe dans un certain nombre d'utopies de réconciliation
sociale (Gropius, Mies van der Rohe, Le Corbusier...). C'est alors
qu'il envisage de réaliser Glass House, un projet inabouti dont il
ne reste aujourd'hui que ses notes de travail, publiées dans cet
ouvrage. Un projet pourtant tenté à Hollywood lorsqu'Eisenstein
imagina la conception d'un gratte-ciel en verre où tous seraient
soumis au regard de tous, où chacun serait renvoyé à sa solitude
par soumission aux valeurs capitalistes, et où la question de
l'aliénation sociale se mêlerait à celle du «trouble dans le genre»
au travers de personnages venus tout droit de la tradition
berlinoise du cabaret (travestis, danseuses aux seins masculinisés,
nains...). Charlie Chaplin, fasciné par cette anti-utopie où lumière
et transparence aboutissent à la coercition et à la mort, avait
alors soutenu le réalisateur russe. Ce n'est donc pas un hasard
si, dans Le Dictateur, Hinckel avoue à Napaloni être amateur
de «moderne» et vouloir mettre partout des parois et plafonds
en verre. Mais Glass House fut également un projet de cinéma :
un cinéma échappant aux lois de la pesanteur, à l'héritage de
la peinture naturaliste et à l'architecture traditionnelle, qui
conduisit Eisenstein à une réflexion esthétique sur les thèmes du
polycentrisme et de l'hétérotopie - thèmes que l'art moderne et
contemporain ne cesseront jamais de travailler.
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