Dans la plupart des pays, ont lieu des réformes assez radicales du
gouvernement de l'éducation. Ce qui caractérise la France n'est pas - loin
de là - l'incapacité d'imaginer ou d'engager des réformes, mais le fait
qu'elles sont justifiées par des valeurs secondaires (l'adaptation à la compétition
économique, aux nouvelles populations...), et qu'elles prennent des
formes technocratiques, facultatives ou incantatoires, parfois silencieuses
(l'assouplissement de la carte scolaire depuis 1984), d'autres fois encore
contradictoires. De ce fait, elles laissent aux traditionalistes le monopole des
références à la citoyenneté et aux valeurs ultimes de l'éducation.
L'éducation française est donc toujours administrée, mais elle n'est plus
gouvernée : le lien n'est pas fait entre un état du monde, une conception
de l'éducation et un mode de fonctionnement de l'institution.
Cet ouvrage interprète cette situation à la lumière de la notion de
modèle politique d'éducation et d'une comparaison France/États-Unis.
Le modèle proposé par Émile Durkheim dans le cadre de la conception
rousseauiste de la société politique, a permis l'éducation publique française
et sa modernisation, mais devient un obstacle dès lors qu'il s'agit d'améliorer
l'école plus que de la moderniser, tandis que le modèle américain,
proposé à la même époque par John Dewey dans le cadre d'une société
politique d'inspiration lockéenne, permet davantage à ce pays - quoiqu'en
disent les détracteurs américains de ce modèle - de penser, d'expérimenter
et de mettre en oeuvre une éducation permettant aux élèves de faire
face au monde qui vient, et aux enseignants, de trouver leur place dans une
société de responsabilité.