C'est en juin 1962. Alfred Cortot le pianiste se
fraie un chemin vers l'ultime coma. Il a pour seul
viatique la bénédiction des mourants. Il interroge
alors très faiblement, mais très distinctement : La
salle est-elle pleine ? Tel sera pour lui le mot
de la fin.
Parler d'un homme, c'est redire avec lui mot pour
mot. Rejouer ses paroles. Sans relâche, tenir au
plus près la partition. Parler d'un homme, pour
faire connaissance une bonne fois à travers
quelques mots sauvés de l'archéologie des corps.
Faire connaissance avec cela qui n'a pas plus
d'âge, pas plus de poids que l'agitation des
palmes, le battement des insectes, l'ascension de
la lumière. Mais cela qui offre tout de même un
visage et autour, quelques paroles à dire, par
exemple : je ne m'arrêterai jamais.