Au printemps 2015, Jean-Christophe Norman s'est rendu au Cambodge avec l'idée de reproduire sur le Mékong les contours de l'appartement dans lequel Marguerite Duras a vécu à Paris rue Saint Benoît et que le cinéaste Benoît Jacquot lui a dessiné de
mémoire. Il était alors question d'opérer une soudure dans l'espace et de faire se rejoindre l'ici et l'ailleurs, le passé et le présent. Un peu comme si ce passé était encore à venir.
Quelques heures après son arrivée à Phnom Penh et son enregistrement au Grand Mékong Hôtel le narrateur va se lancer dans l'exploration simultanée et sans limite d'une ville, de lieux qui auront été déplacés et d'un monde intérieur qui peu à peu va se dévoiler jusqu'aux abords du fantastique. Marchant parfois jour et nuit sans discontinuer, regardant le monde se faire et se défaire, réécrivant l'Ulysse de James Joyce à travers toute la ville, passant d'une rue à l'autre, d'un livre à l'autre, au fil des rencontres, il va faire l'expérience de la mise en oeuvre d'une écriture personnelle qui se laissera volontairement envahir par le hasard et par l'altérité. Invité à passer la nuit dans un bibliothèque privée, il va réécrire la fin de tous les livres qui la composent. Au cours de vastes journées, il collectera des paroles entendues ou échangées, divers documents tombés sur le sol, et les mots d'autres auteurs pour enfin produire la matière de possibles récits.
Profondément marqué par l'oeuvre de Jorge Luis Borges, l'artiste Jean-Christophe Norman développe, depuis la fin des années 90, une oeuvre protéiforme qui interroge les notions de territoires, de fictions, et de dispersions des récits sur la surface du globe.