Il arrive que la poésie soit victime des discours qu'on tient sur
elle. La théorie, par les temps qui courent, est bien souvent grise,
quand la matière vivante du poème réclame l'appréhension
sensible, le partage avant même la connivence de l'intelligence.
C'est pourquoi la démarche que Marianne Auricoste entreprend
dans ce livre est particulièrement heureuse. À travers le dialogue
pudique et brûlant qu'elle entretient avec Eugène Guillevic, elle
apporte la preuve que le meilleur lecteur de la poésie est...
l'amour. Les Noces du Goéland sont donc à la fois une invite au
plus intime de la relation amoureuse et la relation attentionnée,
presque de l'intérieur, de la vie et de l'oeuvre d'un poète qui a eu
ce don de «s'inscrire en nous tous, et pour toujours». Si la poésie
est, selon Guillevic, «la sculpture du silence», le récit de
Marianne Auricoste réussit, lui, à donner chair à l'une des voix les
plus marquantes du XXème siècle.
Abdelatif Laabi