Penser la poésie contemporaine, tel est l'objet de cet essai.
Plutôt que d'en brosser simplement un panorama, on tente d'interroger le sens philosophique du nouveau paysage qui s'affirme aujourd'hui. Au cours de la dernière décennie en effet, la poésie s'est, en France, peu à peu déprise d'un horizon «spéculatif» (marqué par le Romantisme allemand puis par Heidegger) qui conduisait à mettre emphatiquement l'accent sur sa vocation ontologique. En même temps, elle renonçait largement à l'enfermement «logolâtrique» inhérent à la domination du modèle «textualiste» des années soixante et soixante-dix.
Réfléchir cette mutation, tenter d'en discerner la logique esthétique (mais aussi bien les limites), ce n'est nullement prêcher une quelconque régression «postmoderne» en faveur d'un renouveau du vieux lyrisme. C'est poser à nouveaux frais quelques-unes des questions essentielles de la modernité poétique : celle du sacré, celle de la littéralité, celle du sujet lyrique, notamment.
La question qui les résume toutes, celle de l'«habitation poétique», est au cœur de cet essai. Aussi s'attache-t-on à lire en priorité ce qui, chez les poètes d'aujourd'hui, s'affirme de vertu «poéthique», c'est-à-dire de puissance à former une existence à la fois lyrique et éthique. Dans cette optique, sont étudiées plus spécialement les œuvres pourtant très diverses de Francis Ponge, d'Yves Bonnefoy, de Philippe Jaccottet, de Michel Deguy et de Jacques Réda. Bien d'autres auteurs sont évoqués, de Lionel Ray à Dominique Fourcade, en passant par Denis Roche, Emmanuel Hocquard, Jude Stéfan, James Sacré ou Renaud Camus.