Partagé entre la France, l'Allemagne et la Suisse, le destin de Lina Ritter (1888-1981) symbolise celui d'un peuple déchiré par l'Histoire.
Fille de maraîchers de Village-Neuf, au bord du Rhin, elle se fait connaître dès 1913 dans toute l'Alsace, alors terre d'Empire, par sa pièce en alémanique Peter vu Hagebach, qui oppose au sanguinaire bailli du duc de Bourgogne la vaillante Annele.
Mais quand, après la guerre, son ami Paul Potyka, né à Strasbourg de parents allemands, est démis de ses fonctions dans l'administration et renvoyé de l'autre côté du Rhin, elle choisira de le suivre et de partager sa vie : à Lörrach, Ettlingen, puis Baden-Baden. En 1933, du jour au lendemain, Potyka est destitué de ses fonctions de maire-adjoint par le Gauleiter Wagner, le même qui terrorisera l'Alsace occupée quelques années plus tard. Réfugié à Fribourg-en-Brisgau, Potyka devient l'avocat des victimes du nazisme.
Après la victoire alliée de 1945, Lina Ritter renoue ses liens culturels avec l'Alsace et tient une chronique fort écoutée sur Radio-Strasbourg, Üs em Sundgau vorne - un hingedure. Brusquement licenciée, sans doute pour avoir vécu et publié un temps en Allemagne, elle continuera néanmoins de produire sous le pseudonyme, qui ne manque pas d'humour, de Pantaléon Meyer...