Perdue dans ses problèmes, l'Europe prête peu d'attention à
la scène politique américaine. À peine prend-on note d'un
mouvement populiste sorti de l'ombre : le Tea Party, où se
côtoient intégristes religieux martelant la Bible, athées agitant la
Constitution américaine, jeunes sans emploi, retraités ruinés par
la crise et nostalgiques d'une Amérique toute-puissante. Un tel
éclectisme n'empêche pas ce mouvement d'être révolutionnaire, car
il réclame un changement radical de pouvoir, qu'il veut faire passer
du secteur public au secteur privé : la complète libre entreprise.
Cette idéologie s'est formée aux États-Unis, mais sa vocation
universelle concerne l'avenir de tous les États-nations modernes.
Comme toute idéologie, elle repose sur des postulats simplistes
qu'elle transforme en vérités irréfutables sous la bannière d'une
pseudo-science : ici l'économie. Comme les idéologies dures, elle
véhicule des émotions fortes qui puisent dans l'inconscient collectif,
haine et peur en tête, punitions à l'appui, intégrismes en sus. La
haine la sous-tend, le chiffre l'aseptise, l'incompétence la qualifie.
Ce livre donne toutes les clés d'une formidable machine à penser
qui s'est construite sur un demi-siècle, avec ses intellectuels et ses
best-sellers, ses prix Nobel, ses alliances sulfureuses et ses puissances
qui habitent sur une autre planète, là où ne vit qu'un pour cent de
la population mondiale.