Cette biographie de référence éclaire d'un jour nouveau tout un pan de la vie intellectuelle du XXe siècle, celui de ces universitaires juifs allemands obligés de fuir le IIIe Reich et qui, d'étape en étape, finirent par trouver refuge aux Etats-Unis.
Le livre associe la présentation des grandes étapes de la pensée et de l'œuvre de Hannah Arendt aux événements historiques qui la sollicitent et au tableau des amitiés et des cercles successifs. Si la liaison qu'elle eut brièvement au début des années 30 avec Heidegger est désormais bien connue, d'autres aspects de son existence, pourtant du plus haut intérêt, le sont moins : son rapprochement avec le sionisme sous l'égide de Kurt Blumenfeld avant et pendant la guerre, son mariage avec Günther Stern, puis avec Heinrich Blücher, sa longue amitié aux Etats-Unis avec la romancière Mary McCarthy ou avec le poète W.H. Auden.
Polémiste redoutable et critique cinglante, constante dans ses fidélités, et en premier lieu dans sa relation avec cette grande conscience allemande que fut Karl Jaspers, Arendt a traversé tous les débats du siècle, sans jamais céder ni sur son indépendance d'esprit ni sur sa lucidité : face au totalitarisme, dont elle forge le concept, mais aussi face au racisme et aux mouvements pour les droits civils aux Etats-Unis, face à la création de l'Etat d'Israël et au devenir du sionisme, face à l'engagement américain dans la guerre du Vietnam, face à la révolte de la jeunesse des années 60. Ne s'abandonnant jamais à la tentation aristocratique du retrait, elle accomplit une œuvre de pensée sans avoir besoin de décrier le monde, mais en prônant l'amour de la réalité, donnant ainsi l'image tare d'une vie de penseur à la hauteur de ses accomplissements spéculatifs.
Indisponible depuis une dizaine d'années, cet ouvrage a été mis à jour et enrichi d'une nouvelle préface de l'auteur.