Supposons une machine typographique assez antique pour n'admettre
qu'une strophe de six à douze vers par page et pour n'autoriser
que quatre à six mots par vers...
Que cette libre contrainte fonctionne comme une glue
exquise où se laisserait attirer et captiver la présence.
Oubliant tout le reste pour l'avoir longtemps requise, étendant
à chaque vers son domaine, tremblant encore sous son
adresse, le poète ne serait jamais assez grand dans l'invocation
pour que la présence appelée ne le submerge pas.
Qu'en liberté les mots s'assemblent faisant advenir, que le
désiré remplisse le désirant, que le recherché comble la
recherche, que jamais satisfaction n'engendre satiété ! Qu'il
n'en aille pas de la poésie comme d'une proie que l'ongle
déchire, que les doigts, qui retiennent, laissent échapper celle
qui, remplissant chacun, est partout sans qu'on le sache ! Que
l'instant de la capture soit aussi celui de la délivrance !
Conjuration cousue au silence, le poème manifeste un espoir.
Dans l'incessante reprise de ses strophes, il dessine l'ailleurs.