La publication au printemps 2005 d'un livre au titre provocateur,
Heidegger / l'introduction du nazisme dans la philosophie, n'aurait
guère suscité, chez tous ceux qui connaissent quelque peu la
pensée du philosophe, d'autre réaction que le silence si l'ouvrage
en question, grâce à une campagne soigneusement orchestrée,
n'avait été salué par les médias dominants comme un travail
sérieux et objectif.
C'est la raison pour laquelle il s'imposait de montrer publiquement
à quel point la tentative de porter si gravement atteinte à
une pensée considérable n'a été possible qu'en contrevenant aux
principes auxquels doit se plier tout travail philosophique digne
de ce nom.
Heidegger, à plus forte raison se comprend donc d'abord comme
une réplique. Ses auteurs prouvent, pièces en main et en observant
scrupuleusement les règles strictes de la critique, que la thèse
scandaleuse se réduit en réalité à un tissu d'approximations,
d'erreurs, de contresens dont le ressort ultime est ce type d'incompréhension
que provoque une malveillance compulsive.
Compte tenu du soutien médiatique apporté à une accusation aussi
extrême, il était indispensable que cette mise au point fût faite.
Mais il reste l'essentiel, qui est d'exposer positivement l'importance
du travail de pensée que Heidegger nous a laissé à poursuivre.
Car cette pensée, n'en déplaise à ses contempteurs, est probablement,
encore à ce jour, l'une des seules capables de nous permettre
de faire face à un nihilisme dont le déferlement est loin d'avoir pris
fin avec l'effondrement du nazisme en 1945.