C'est la question de la parole qui est ici en jeu, telle que Heidegger l'a méditée pour préparer la pensée à un commencement autre que le commencement grec. À cette fin, Heidegger a mené à l'époque de Être et temps un dialogue très intense avec Aristote. Ce qu'a d'exceptionnel cette rencontre, qui a marqué toute une génération d'élèves (notamment H.- G. Gadamer, H. Arendt, L. Strauss), est ici présenté de manière générale. Mais certains axes sont précisés, à travers notamment la découverte que fait Heidegger du sens que recèle la quotidienneté pour l'existence humaine. À partir de cette dimension immédiatement concrète qui a toujours échappé aux grandes visées métaphysiques, Heidegger voit poindre, en dialogue avec Aristote, une entente de la parole comme modalité éminente du rapport à autrui.
Quant au débat que Heidegger a mené avec Platon, il est aussi présenté dans ses grands traits, à travers la notion de dialogue, si chère à l'un et l'autre penseur. C'est ici le sens de la parole philosophique qui est en question, à la lumière de la tâche que Heidegger lui confère, en notre époque de nihilisme accompli, d'un voisinage avec la parole poétique.
S'appuyant sur de nombreux cours de Heidegger désormais publiés, mais peu connus, le présent livre offre également plusieurs extraits inédits en français d'un texte appartenant au corpus - encore inconnu des lecteurs français - que constituent les Traités impubliés rédigés par le penseur pendant la guerre, à l'abri de toute publicité. Ce texte sur les rapports entre poésie et philosophie permet de mesurer toute la portée éthique de l'habitation qu'aura ménagée Heidegger pour être poétiquement humain.