«De livre en livre, Hélène Cixous s'est construit tout
un ensemble de registres et de clefs. Toute une gamme :
à jouer, à monter et descendre. Gamme de possibles,
gamme musicale. Do ré mi fa sol la si. C'est une échelle
de Jacob, échelle de cordes vocales, toujours plus haut
reprise, qui porte à l'ascension du ciel. Degré par degré :
do - la folie, l'abîme ; c'est la note do dans l'oreille de
Schumann.
ré - la récollection depuis la perte, le réveil.
mi - par le milieu, toujours déjà commencé.
fa - voix des nymphes, l'an neuf, la sève nouvelle.
sol - là où l'âme fait terre dans la langue.
la - le don, la différence.
si - l'infini ; "chaque gorgée était si, et ce qu'elle était
en train de comprendre alors, c'était l'infini".»
M.C-G
«Ce qui constitue le sol originaire, le pays natal de mon
écriture est une vaste étendue de temps et terres où se
déroule ma longue, ma double enfance. J'ai une enfance à
deux mémoires.
Géographie de ma mémoire généalogique : je me tiens
au bord de l'Afrique du Nord. A sa plage. A ma gauche,
c'est-à-dire à l'Ouest, ma famille paternelle - qui a suivi
le trajet classique des Juifs chassés d'Espagne jusqu'au
Maroc. Les grands-parents de mon père sont de Tetouan
ou de Tanger. Ils voyageaient à dos d'âne. Sans doute suivant
l'armée française - comme colporteurs et truchements
- ils arrivent à l'orée occidentale de l'Algérie :
Oran. Ma ville natale. Une ville très espagnole.
Mon Est, ma droite, mon Nord : c'était le paysage de ma
mère. C'est un arbre très haut avec de nombreuses
branches. D'une part la branche allemande, celle d'Omi
ma grand-mère.
D'autre part, il y a la branche du père de ma mère,
Michael Klein, qui appartenait à une famille originaire
d'un petit village frontalier de l'Empire austro-hongrois,
non loin de Trnava qui n'est pas loin de Vienne.»
H.C.