«Je suis prise entre la beauté de June et le génie de Henry. D'une
manière différente, je suis dévouée à tous les deux. Une part de moi
cherche à atteindre chacun d'eux. Mais j'ai pour June un amour fou,
irraisonné. Henri me donne la vie, June la mort. Je dois choisir, mais
j'en suis incapable. Donner à Henry tous les sentiments que j'ai
éprouvés pour June, c'est comme lui apporter mon corps et mon âme.»
Octobre 1931 - Anaïs Nin rencontre Henry Miller et son épouse,
June ; la «vitalité animale» et l'aventurière fantasque, deux êtres
pour qui la fidélité est à réinventer. Et par-delà la relation triangulaire
qui s'instaure, transparaît le fantasme d'un amour total, absolu, à
vivre sur le mode paroxystique. Un amour destructeur qui s'insurge
contre le schéma traditionnel du couple, jugé insatisfaisant, et qui
refuse tout ce qui limite la vie, la pétrifie au nom de conventions
morales ou sociales. 1932 sera l'année capitale, celle de l'accomplissement
charnel et intellectuel qui fertilise l'écriture. Peu à peu
Anaïs ose les actes et les mots, débride le corps comme l'esprit,
fixant dans son Journal les contorsions incandescentes de son
odyssée identitaire. Au fil de la plume se dessine alors le portrait
mobile et troublant de celle qui est la pure, la tendre, mais aussi
l'impitoyable Anaïs, l'«ange sexuel» de Henry Miller.