Publiée en 1927 à l'occasion du cinquantième anniversaire de
Hermann Hesse, cette biographie demeure le meilleur exposé
de son itinéraire spirituel. Pour Ball (fondateur du Cabaret
Voltaire et de Dada à Zurich), Hesse représente l'ultime héritage
du romantisme allemand. En effet, il se situe au carrefour de
plusieurs courants : le piétisme souabe (si important pour certains
romantiques formés dans des séminaires protestants), la
spiritualité hindoue (par ses parents piétistes, missionnaires en
Inde) et la psychanalyse. L'intérêt de l'ouvrage est non seulement
de nous faire découvrir l'envergure de sa pensée, sans
frontière, mais encore de nous révéler l'importance de Hugo
Ball. A travers cette biographie. Ball, l'Européen, approche
aussi les thèmes fondamentaux de sa propre oeuvre : une autre
histoire de la poésie, une autre histoire de la pensée, une autre
histoire des sources spirituelles de l'Occident. Dans son journal,
La Fuite hors du temps (1927), il évoque cette nouvelle vision
qui prend forme dans plusieurs ouvrages comme La Critique de
l'intelligence allemande (1919) ou Le Christianisme Byzantin
(1923). Depuis 1920 et jusqu'à sa mort, en 1927, Ball et Hesse,
émigrés dans le Tessin, entretiennent une amitié fervente et
abordent les questions importantes de la pensée du XXe siècle et
du renouveau d'une tradition vivante, longtemps enfouie et
dénaturée. Après la lecture de sa biographie, Hesse écrivait à
Ball : «Puisque, avec ce livre, tu t'affirmes de nouveau en
maître de la poésie véritable, du décryptage des hiéroglyphes et
des idéogrammes, il m'est permis de te dire quel grand bienfait
c'est pour moi d'être compris, sur ce point essentiel justement,
par l'une des rares personnes pour qui, à l'égard de cet art-là,
j'ai les sentiments d'un frère.»