Hérodote ou le commencement de l'Histoire
, paru en 1983, thématise de façon explicite tous les aspects des oeuvres précédentes de Karl Krolow, ce qui donne au livre sa portée exemplaire et une place à part dans un processus d'écriture qui les traitait souvent, jusque-là, moins directement. Krolow s'intègre ici à une tradition philosophique allemande elle aussi en référence constante aux Grecs: celle de la question de l'historicité vue comme oscillation dialectique entre destin et hasard. La question posée, d'orientation hégélienne, est celle d'un accomplissement de l'Histoire au-delà du factuel. On assiste à un rite expiatoire, ou à un exorcisme progressif des démons de l'histoire humaine, chaque fois plus redoutables, dévoilés par un narrateur omniscient, se jouant des strates temporelles et des espaces géographiques: Hérodote lui-même, tel qu'il s'offre dans ses Enquêtes, dont Krolow reprend parfois textuellement de nombreux passages. Cette interpénétration de plans mis en relation par le "voyageur" dilate le personnage de l'historien-témoin en véritable conscience de l'Histoire qui se construit dans sa personne et dans son discours. Le déroulement impressionniste des images visuelles, sonores, tactiles, olfactives et gustatives débouche sur l'émergence du concept: du temps des dieux à celui des hommes. Parallèlement à ce processus et comme son envers, nous assistons au rétrécissement du champ des possibles, du vécu, de la notion de découverte, à mesure que s'élargit celui de l'investigation historique; comme si, de plus en plus de choses ayant été montrées, il en restait de moins en moins à décrire. En définitive, la question du sens, et donc du déterminisme, reste ouverte.
Karl Krolow (1922-1999) de nationalité allemande, a obtenu le prix Büchner, en 1956. Un récit a été publié en français ainsi que des textes en revues et anthologies.