Hervé Guibert
Vers une esthétique postmoderne
L'oeuvre d'Hervé Guibert (1955-1991) est le lieu de nombreuses tensions. Elle forme un ensemble cohérent où circulent, de manière fluide, les multiples identités du sujet, les personnages, les thématiques et paraît parfois s'auto-engendrer à la lecture de son journal intime, Le Mausolée des amants, publié de manière posthume en 2001. Mais, en même temps, le corpus guibertien dialogue constamment avec les écrivains ou intellectuels admirés tels que Roland Barthes, Michel Foucault ou Thomas Bernhard. Cette question de l'altérité se manifeste aussi dans le rapport à soi : le genre autofictionnel est révélateur d'une fracture autobiographique liée à l'apparition du virus du sida qui provoque chez le sujet guibertien une crise identitaire s'accentuant dans les dernières productions de l'auteur. Voulant poursuivre l'écriture d'un moi morcelé, Guibert est amené à passer de l'autre côté des miroirs (autofictions, photographies, film) afin de se recréer, de s'inventer dans un espace littéraire affranchi du pacte autobiographique traditionnel.
L'ensemble de cette étude révèle la présence dans l'écriture guibertienne d'une esthétique postmoderne à travers le recours aux procédés intertextuels, par l'intermédiaire du mélange des genres et du genre de l'autofiction considéré comme variante postmoderne de l'autobiographie, ainsi que par la fragmentation puis l'éclatement du sujet pris dans une tension entre, d'une part la volonté de se dire et, d'autre part, l'impossibilité d'y parvenir.