Depuis un siècle et demi, la ville de Chicago attire et fascine les
observateurs de l'Amérique tant elle incarne une modernité urbaine
spectaculaire et triomphante. Barack Obama, qui s'y installa et y
entama sa carrière politique, la qualifie de «ville éminemment américaine».
D'autres avant lui l'ont surnommée la «ville aux larges
épaules», en référence à ses foules laborieuses.
Car, pendant des décennies, c'est par centaines de milliers que des
ouvriers d'Europe, mais aussi des Noirs du sud des États-Unis et des
Hispaniques sont venus travailler dans ses abattoirs, ses aciéries et ses
usines rugissantes, faisant de Chicago la capitale manufacturière du
pays. Ils ont construit les gratte-ciel orgueilleux du centre-ville - le
fameux Loop -, posé des kilomètres de rails, creusé des canaux et
empli les bateaux de grain.
À l'image de la violence des abattoirs, l'histoire politique et syndicale
de Chicago est d'une grande brutalité, en partie parce que
des richesses considérables y sont concentrées entre les mains de
quelques-uns. La municipalité a ainsi longtemps été tenue par des
«machines» politiques corrompues liées aux milieux d'affaires, et
parfois à la mafia - celle d'Al Capone ou de ses successeurs. Au-delà
de son statut de symbole industriel, la ville fut un haut lieu du jazz
et du blues, et aussi la plus ségréguée du pays. À ce titre, elle devint
la capitale incontestée de l'Amérique noire au milieu du XXe siècle,
jouant un rôle déterminant dans la lutte pour les droits civiques.
Richement documenté et illustré, ce livre n'est pas seulement une
histoire «populaire» de Chicago, des gens ordinaires qui y ont vécu,
travaillé, consommé, prié ou joué de la musique. Il propose l'histoire
sociale et politique, jusqu'à nos jours, d'une ville américaine à la fois
archétypale et exceptionnelle.