L'Histoire de France de Jules Michelet préfacée et commentée par Paule Petitier et Paul Viallaneix.
Volume 11
" Il vous regarde du fond de son mystère, Le sphinx à robe rouge. Je n'ose dire du fond de sa fourberie. Car, au rebours du sphinx antique, qui meurt si on le devine, celui-ci semble dire : " Quiconque me devine en mourra. " (...) Richelieu est Espagnol jusqu'à quarante ans, et, depuis, anti-Espagnol. Faut-il croire que, dans la première période, il ait obstinément menti ? Ou bien qu'ayant été sincère il changea tout à coup si tard et fut décidément Français ? Sa mauvaise fortune le força de bonne heure d'avoir du mérite. Il était le dernier de trois frères. Sa famille n'était pas riche, et elle s'allia en roture. Le frère aîné, qui était à la cour, dépensait tout. Le second, qui avait l'évêché de Luçon, se fit chartreux. Et, pour que cet évêché ne sortît pas de la famille, il fallut que le troisième, notre Richelieu, se fît homme d'Église, malgré ses goûts d'homme d'épée. (...) Il n'était peut-être pas né enragé, mais le devint. La contradiction de son caractère et de sa robe lui donna ce riche fond de mauvaise humeur d'où sort le grand effort, " l'âcreté dans le sang, qui seule fait gagner les batailles. ""