En 1715, l'auteur à succès du Diable boiteux et de
Turcaret publie les deux premiers tomes de l'Histoire
de Gil Blas de Santillane (livres I à VI). D'abord
tenu pour une imitation servile - Voltaire, volontiers
calomniateur, affirma que le récit était entièrement
repris d'un roman picaresque espagnol, le Marcos de
Obregón de Vicente Espinel -, Gil Blas fut loué par
les plus grands écrivains du siècle suivant, de Walter
Scott à Flaubert, en passant par Sainte-Beuve et Hugo.
Aujourd'hui, il s'impose comme l'un des romans les
plus novateurs du XVIIIe siècle. Dans ces mémoires
fictifs, qui retracent la carrière d'un héros médiocre,
cantonné dans la domesticité, dupé par des aigrefins de
tous ordres et ballotté d'un milieu à l'autre, Lesage
joue en virtuose de la veine picaresque, de la satire
moliéresque, de la comédie galante et de la farce
cruelle... Inventant un type inédit de roman comique,
il engage une réflexion sur le matériau de la fiction et
sur son détournement parodique. À lire Gil Blas, on
se dit que Lesage eût été à notre époque l'inventeur
du western spaghetti.