En management stratégique, l’histoire de la pensée ne constitue pas une tradition aussi bien établie que pour certaines disciplines de sciences sociales, comme il en va en économie, par exemple. Telle qu’elle est d’ordinaire restituée, à peu de frais, elle se résume à la succession des écoles ou courants de pensée qui se sont accumulés depuis le milieu des années 1960. Sur la base de ce récit en quelque sorte standard et maintes fois reproduit, différentes représentations de l’état du management stratégique en tant que discipline académique opposent les analystes : de l’image d’un champ dominé par une sorte de pensée orthodoxe, inspirée de l’économie néoclassique, à celle d’un champ éclaté, voire cacophonique, confronté à une exigence de réunification paradigmatique. Quelle que soit l’image que l’on retient, on ne peut débattre utilement de l’avenir de la discipline en se tenant au récit standard, sans un regard critique sur l’ensemble des idées qui ont pu façonner son développement et en sont venues à être considérées comme allant de soi. Dit autrement, il convient de traquer les « impensés » que l’histoire officielle tend à nourrir.