Dans le paysage audiovisuel actuel, la télévision sous de Gaulle apparaît comme un monolithe préhistorique : une chaîne, à peine deux, en noir et blanc, soumise au pouvoir. Pourquoi rééditer un ouvrage qui faisait le premier (en 1990 ) l’histoire de cette époque, alors que nous sommes sous un régime de concurrence depuis 40 ans, sous la domination du secteur privé depuis 30 ans ? La télévision sous de Gaulle, telle que nous en faisions à la fois l’histoire et le portrait, reste riche d’enseignements, pour l’historien, pour le chercheur et même pour le professionnel, qu’il s’agisse des débats de politiques de la télévision, de la réflexion sur la concurrence entre deux chaînes, de la place des différents professionnels qui font la télévision (thème encore peu exploité), et surtout, des programmes eux-mêmes, du « texte » télévisuel. L’historiographie de la télévision en France a considérablement progressé. Cette introduction fera le point sur les grandes avancées, inégales selon les genres télévisuels, mais aussi sur les difficultés méthodologiques et les lacunes persistantes. Après un rappel des facteurs qui ont modifié en profondeur les conditions de la recherche sur la télévision, on fera un tour d’horizon des tendances essentielles (qu’on nous pardonne par avance les oublis !). Il faut commencer par les programmes, selon les grands genres – c’est là que nous avons le plus appris. On continuera par les travaux sur les professionnels et le public, encore peu développés. Une certaine internationalisation (européisation ?) de la recherche s’amorce aussi, qui devrait changer le regard des historiens sur les évolutions françaises. Je conclurai en insistant sur ce qui a été, au plan conceptuel, le changement essentiel : la fin des dichotomies, souvent manichéennes, qui affectaient le discours sur la télévision, et qu’on rabattait souvent sur son histoire. C’est ce même travail de complexification de la télévision que nous avions voulu amorcer en 1990, à partir des seules archives écrites et des témoignages.