Portés par la mission de régénérer l'humanité, et par le désir de progrès et de soins de la société tout entière, les médecins quittent au XIXe siècle les chemins balisés de l'hygiénisme pour s'aventurer dans ceux d'un eugénisme en construction. Angoisse de la dégénérescence ou de la dépopulation, combat contre la mortalité infantile ou les maladies sociales, tout est prétexte à un projet de surveillance des unions, de tri des procréateurs, de dépistage des tares, où le médecin affirmera son utilité sociale et rendra effective la plus achevée des prophylaxies. Ce projet, vers lequel convergent des médecins venus de tous les horizons et de toutes les disciplines, se bâtit sur des savoirs fragiles, traversés de mythes et d'idéologies ; surtout, il se heurte à une pratique libérale, effrayée par les audaces interventionnistes et autoritaires des plus ardents eugénistes. C'est la raison pour laquelle, au-delà de positions parfois extrêmes, l'eugénisme médical ne trouve à s'exprimer que dans l'instauration de l'examen prénuptial en 1942. Pendant, plus d'un siècle, il aura pourtant constitué le centre d'un discours touffu, révélateur des ambitions sociales et des valeurs contradictoires d'un monde médical en pleine Ascension.