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Déplorant, après beaucoup d’autres, que les grands artistes des siècles passés n’aient pas bénéficié de témoignages contemporains fiables, le critique d’art Théophile Silvestre (1823-1876) voulut prévenir cette lacune en se lançant, en 1852, dans la rédaction de portraits d’artistes de son temps. Adoptant une démarche d’historien, lequel « doit s’attacher à tout voir, à tout entendre par lui-même, et se sentir, avant de prendre la plume, aussi loyal qu’indépendant », Silvestre est allé ainsi à la rencontre des peintres et des sculpteurs, les interrogeant lui-même, essayant de « pénétrer, du même coup d’oeil, l’âme de l’homme et l’oeuvre de l’artiste », inséparables à ses yeux. Réunis et publiés en 1856 sous le titre d’Histoire des artistes vivants, français et étrangers. Études d’après nature, ses textes sont consacrés à dix grands noms de l’époque : Ingres, Corot, Delacroix, Courbet, Préault, Rude, Diaz, Barye, Decamps et Chenavard, auxquels fut ajouté l’année suivante celui d’Horace Vernet. L’ouvrage eut un succès immédiat et durable, puisqu’il fut réédité à plusieurs reprises au cours du XIXe siècle, et en 1926 par Élie Faure. Ce qui a frappé les contemporains de Silvestre continue de faire notre admiration : la nouveauté de la démarche – faire entrer la sphère de l’intime dans le champ public –, la qualité remarquable de l’analyse des oeuvres, le ton parfois virulent mais libre, servi par une écriture particulièrement élégante. Loin des froides biographies, cet ouvrage restitue aux artistes toute leur épaisseur humaine, avec ce qu’elle peut recouvrir de petitesses et de grandeur.