Chaque année, au coeur du delta du Nil, se déroule un pèlerinage
qui fut, des siècles durant, le plus important du monde musulman
: le mouled de Tantâ. Depuis le XIIIe siècle, des millions de
croyants venus des provinces et des pays voisins affluent à Tantâ
pour célébrer le culte d'un saint vénéré : Badawî, colosse bienveillant
qui guérit les impuissants et soigne les femmes stériles.
Ce livre raconte pour la première fois l'histoire du mouled, qui
éclipsa longtemps le pèlerinage à La Mecque : organisé par une
confrérie soufie, il devint une foire tapageuse et débridée qui
excita la curiosité des voyageurs européens au XIXe siècle. Dans
leurs récits, les danses suggestives et la prostitution sacrée qui
animent le mouled de Tantâ sont l'objet de tableaux felliniens
avant la lettre. Les réformistes musulmans, comme les orientalistes
occidentaux, ne se feront pas faute de critiquer le culte de Badawî,
assimilé à un fatras de superstitions, voire à la résurgence de
pratiques païennes antéislamiques.
Catherine Mayeur-Jaouen montre que, loin de s'opposer à une
prétendue orthodoxie religieuse, le mouled de Tantâ est le miroir
de l'islam d'Égypte, unissant dans la ferveur, aujourd'hui encore,
les croyants ordinaires, les ulémas et les chefs de confréries soufies.
C'est à la découverte de cet islam étonnamment libre et festif
que nous convie son livre.