«Il plut pendant des mois. Les rivières s'en allaient gorgées
de villages et de terre vers la plaine, laissant des mers d'eau
douce et des lamentations ponctuées derrière elles par des
poteaux télégraphiques. Au début, le maire du village disait
: "C'est bon pour les canards", en se frottant les mains
avec jovialité ; ensuite il disait : "Ca s'arrêtera à Pâques."
Après, il ne disait plus rien, tout le monde avait pris l'habitude.
Mais Jules César savait que c'était la fin du monde.»
Maquillées de terreur et de poésie macabre, les Histoires
nocives de Joyce Mansour frappent d'emblée par la radicalité
de leur écriture. Dans Jules César, version hallucinée
du déluge, les membres d'une famille habitant un
chalet de montagne peu à peu gagné par les eaux - deux
jumeaux, leurs parents et leur nourrice noire - se laissent
aller à leurs instincts, ivres d'ennui et d'amertume,
le temps d'une sinistre eucharistie.
Iles flottantes se déroule dans un hôpital genevois, où
les malades et le personnel médical se confondent dans
l'érotisme obscène d'un jeu de désir morbide. L'humour
ravageur de Mansour y transfigure le «désespoir ordinaire»
de l'hôpital, rendu plus aigü par la présence de
la mort, qui fait revivre ceux qui sont déjà passés de
l'autre côté du miroir. Deux récits «acides de vérité».