Qu'entendre par modernité ? Résulte-t-elle d'une transposition des schèmes théologiques et des dispositifs théologico-politiques propres au christianisme médiéval, ou bien s'est-elle affirmée contre son propre passé théologique, en rupture avec les formes héritées du passé ? Et comment situer, dans ce processus, les philosophies de Hobbes et de Spinoza, comprises tantôt comme héritières des théologies de la toute-puissance divine, de l'augustinisme ou de la Réforme, tantôt comme inaugurant les Lumières radicales qui se sont par la suite diffusées dans toute l'Europe jusqu'à culminer à la fin du xviiie siècle ? À côté des nombreux travaux consacrés à l'herméneutique biblique chez Spinoza et chez Hobbes, ou à la question du théologico-politique et de la naissance des institutions politiques modernes, cet ouvrage veut montrer comment, à partir d'une interprétation nouvelle de l'ancien – l'Écriture sainte –, quelque chose d'inédit a été produit dans la pensée des institutions politiques, du droit, du corps politique et de la multitude. C'est paradoxalement en interprétant à nouveaux frais l'Écriture que la politique peut devenir, chez Hobbes, une création humaine ou, chez Spinoza, une œuvre humaine dont la rationalité peut être pensée à différents degrés ; ce qui revient à penser comment la modernité est aussi issue d'une politique de la Parole.