Homo spectator, c'est l'homme qui le premier, dans l'obscurité d'une caverne, a inscrit une trace hors de lui. Il a tendu le bras, s'est appuyé sur la paroi, a enduit sa main de pigments, l'a retirée. Il a vu alors l'image de sa main, la première
image de lui-même. Le message de cette Lointaine humanité est précieux. Sans séparation, il n'y a pas d'image et l'homme est sans regard. Le spectateur est l'oeuvre de nos mains.
De cette naissance du sujet à notre société du spectacle, l'histoire du spectateur est longue et sinueuse. Elle est faite de courage et de peur, de langue et de deuil, de pouvoir et d'autorité. Elle se poursuit du monde chrétien jusqu'aux heures les plus sombres de notre histoire. Elle exige de nous aujourd'hui de ne pas céder sur notre liberté face à la violence des industries audiovisuelles.
« Cette réflexion est tout entière habitée par le souci du spectateur que nous sommes devenus aujourd'hui, otages apeurés et trop souvent consentants des productions spectaculaires. Si le spectateur naissant est l'homme même, la mort du spectateur est la mort de l'humanité. C'est la barbarie qui menace un monde sans spectateur. »