Avec son exigence d'un retour aux « choses mêmes », la phénoménologie husserlienne s'est toujours proposée d'en exhiber la constitution, voire la fondation. Ainsi s'est-elle rapidement conçue comme une nouvelle « philosophie première », ce qui n'a pas été sans poser des problèmes et des difficultés à ses contemporains et à ses successeurs. Cela impliquait en effet le principe, auquel Husserl ne cesse de revenir depuis le début des années 1920, d'une légitimation absolue de la connaissance phénoménologique. Qu'est-ce qui est susceptible de la légitimer tant eu égard aux données attestables et irréductibles que rencontre une démarche purement descriptive, qu'eu égard à leur origine - à savoir que tout ce qui est se constitue, en son sens, dans les structures des actes de la subjectivité transcendantale originairement constituante ?
Le présent ouvrage entreprend de repenser cette question à sa racine : c'est bien afin de répondre à sa propre visée de légitimer absolument la constitution du sens des phénomènes (en leur « vérité ») que Husserl procède - lorsqu'il se heurte aux limites inhérentes à une phénoménologie descriptive - à des constructions phénoménologiques, qui ne sont ni des constructions spéculatives ni des procédés qui feraient exister par la pensée des structures qui n'existeraient pas hors d'elle, mais pour ainsi dire des « systèmes de coordonnées » que le phénoménologue est conduit à mettre en place pour rendre compte de telle ou telle teneur phénoménologique déterminée, et dont il ne découvre la régularité qu'en procédant à ces mises en place elles-mêmes. Les fondements d'une phénoménologie constructive auront ainsi pour tâche à la fois d'en clarifier le statut et d'en exhiber la fécondité heuristique quant à ce que rencontre le phénoménologue au fil de ses analyses concrètes - ce qui implique une démarche où souvent, par la nature même de la « chose » en question, « les noms nous font défaut ».