Au IVe siècle, les communautés mésopotamiennes de langue syriaque ne connnaissent encore, comme la plupart des régions du monde chrétien d'alors, qu'une seule fête de Noël-Epiphanie, célébrée douze jours après le solstice d'hiver, le six de Kanoun (janvier). C'est pour solenniser ce Mystère, résumé par le seul nom bien évocateur d'Orient (Dénhâ), et vraisemblablement dans le cadre de vigiles nocturnes développées, qu'Ephrem (306-373) a composé de longues séquences poétiques (madrâshé), véritable tissu dans lequel la postérité découpera parfois arbitrairement, au gré de ses propres besoins liturgiques.
Une tradition manuscrite a donné au noyau originel de cette collection d'hymnes le titre fort opportun de «Berceuses» (nusratâ), attendu qu'elles sont placées, en grande majorité, sur les lèvres de Marie. En ces «Orientales», toutes foisonnantes de figures bibliques, nous reconnaissons aujourd'hui un monument hors pair de la mariologie primitive.
Méditations théologiques, ces pièces annoncent déjà, avec leurs trouvailles littéraires aussi naïves que charmantes, la grâce de nos Noëls populaires. Au cœur de cette Nuit qu'il enchante et qu'il peuple de tant de santons, Ephrem est sans conteste un «ravi» qui confesse parfois, par le truchement de Marie, sa propre expérience du «verbe» poétique et de sa conception.
La traduction intégrale de ces Hymnes - la première en langue française - a été réalisée à partir du texte critique établi par dom Edmund Beck, moine de Metten (1991†).