"Ici, on était les rois du pétrole ! ...".
Celui qui se remémore cette ère radieuse a 76 ans ; embauché dès l'âge de douze ans à l'arsenal de Loricnt, il y aura travaillé toute sa vie. Ici ? entendons Lanester, une commune morbihannaise autonome depuis 1909, longtemps ouvrière, socialiste depuis l'origine et devenue communiste à la Libération.
Au prix d'une plongée de longue durée dans cette cité, en y mêlant toutes sortes d'approches (questionnaires, entretiens, sociographies diverses, participation à la vie publique, examen des archives communales), l'auteur a cherché à appréhender les conditions locales propices au déploiement et au maintien de formes sociables populaires, à l'émergence et à la résistance de solidarités socio-politiques, à l'expression libre et actuellement critique d'une identité tout à la fois ouvrière et communale.
Mais, insufflée incessamment par les porte-parole politiques, activée et réactivée dans les réseaux associatifs colonisés tendanciellement par une "aristocratie populaire" née de son emploi à l'arsenal, l'identité communale, longtemps proclamée comme ouvrière, n'a-t-elle pas concerné et mobilisé, depuis toujours, qu'une micro-société formée autour de ces familles des travailleurs de l'Etat ?
Aussi, que doit-on entendre par "fief ouvrier" ? une telle désignation ne sert-elle pas à dissimuler la pluralité des itinéraires, des enracinements, des "citoyennetés" ouvriers et en définitive à éluder les différences intemes au monde populaire ?