L'idéologie coloniale telle qu'elle s'est déployée au sein de l'espace germanophone
au début du siècle dernier n'est-elle pas intimement liée au «désir
de mythe» devant faire pièce à une certaine vision de la modernité ? Voilà la
question à laquelle cherche à répondre cet ouvrage. Une première partie, intitulée
«Contextes» est consacrée à une présentation factuelle du colonialisme
allemand, à ses acteurs et à ses moyens de diffusion, surtout journalistiques,
tout en s'attachant à présenter certaines interprétations du phénomène colonial.
Une seconde partie, renouvelant les questions interprétatives, montre
que l'imaginaire colonial allemand fut à l'origine de nombreuses productions
spécifiques, relevant du mythe. Abordée à partir de travaux initiés par Pierre
Brunel et développés par Gilbert Durand, l'approche privilégiée ici s'appuie
sur les concepts opératoires de mythocritique et de «mythodologie», en vue
de dégager les articulations de l'imaginaire colonial allemand, saisies comme
«idéologèmes» afin de marquer leur ancrage idéologique et politique. Pour
l'essentiel, cet imaginaire semble se concentrer autour de trois grandes travées
imaginatives que constituent «la nostalgie des origines», «la lutte entre
le Bien et le Mal» et «le Grand Un», associé au «mythe du progrès indéfini».
Ainsi, le retour à une Germanie idéalisée que doit permettre de réaliser
l'implantation coloniale porte-t-il les germes d'une Allemagne repensée
et réinventée outre-mer. La Volksgemeinschaft coloniale, enracinée dans un
imaginaire völkisch doit permettre la rénovation de l'Allemagne wilhelminienne,
perçue comme sclérosée par les coloniaux de toute obédience.