Dans le monde d'avant, il était des villages au fond de la vallée, loin des chemins, loin des humains, où passaient pourtant des bohémiens, des chemineaux et même des Capucins. C'étaient ceux où mes parents ont bourlingué des années 1940 à 1960 : un milieu rural modeste, aujourd'hui disparu, et que je tente de faire revivre dans ce livre. Avec mon regard non pas de transclasse mais de biclasse, puisque je garde un pied dans chacune de mes bulles, celle des petits artisans hauts-savoyards d'où je viens, et celle des scribouillards parisiens intégrée via mes études supérieures et une trentaine d'ouvrages publiés.
Il ne s'agit pas d'un règlement de compte. Je n'aurais pas voulu avoir d'autres parents que les miens, ces héros du quotidien, des gens bien, engagés dans la Résistance et au travail dès six heures du matin. Des gens qui, sur leurs fenêtres, cultivaient des capucines et, dans leurs coeurs, conservaient l'humour des petits, des sans-grades, à qui « on ne la fait pas ».