Ilarie Voronca se distingua très tôt, dès 1923, en publiant, à Bucarest, Restristi, son premier recueil de poèmes, illustré par Victor Brauner. L'année suivante, il s'affirma comme l'un des principaux animateurs de l'avant-garde artistique roumaine, en créant, toujours avec Victor Brauner, 75 HP. Cette revue, désormais mythique, étonne encore de nos jours par ses audaces typographiques et graphiques, mais surtout par l'invention des principes de la Pictopoésie. Devenu une figure phare du constructivisme roumain, Voronca collabora aux principales revues de Bucarest. Influencé par Dada, dans un premier temps, Voronca aspira rapidement à la synthèse et se fit le théoricien de l'intégralisme. En 1933, il s'installa avec Colomba, son épouse, à Paris. En France, il n'est plus le chantre individuel, son moi s'épanouit dans toutes les voix : Je veux me mêler à cette foule. Je partage sa vie. Voronca devient le poète anonyme, de la foule et toujours le visionnaire de l'invisible. Mais l'apparente euphorie qui émanait de la création comme de la personnalité de Voronca cachait bien mal l'angoisse qui le rongeait souterrainement. C'est ce poète hors-norme et terriblement actuel, infiniment plus complexe, plus original que la légende sympathique, mais très réductrice, dont on l'entoure, que l'essai de Christophe Dauphin, qui fait date, s'attèle pour la première fois, à restituer dans toute sa dimension.