« Sous chaque mot chacun de nous met son sens ou du moins son image qui est souvent un contresens. Mais dans les beaux livres, tous les contresens qu'on fait sont beaux », écrit Marcel Proust. Les multiples interprétations visuelles de son oeuvre illustrent sa définition du « beau livre », depuis les premières éditions illustrées d'À la recherche du temps perdu jusqu'à la bande dessinée de Stéphane Heuet.
Si Madeleine Lemaire, qui illustra Les Plaisirs et les Jours, publié en 1896, est relativement connue, le travail d'Hermine David reste largement ignoré, sans parler des pointes-sèches de Barbara Zazouline. Ce sont pourtant les frontispices d'Hermine David, réalisés entre 1929 et 1936, qui ont imposé le choix de scènes repeintes successivement par Kees Van Dongen, Philippe Jullian, Emilio Grau-Sala et Jacques Pecnard. Tous ces artistes se sont heurtés au paradoxe de devoir représenter « un peu de temps à l'état pur », qui était l'objectif de Proust.
Reprises et variations se sont succédé dans les éditions illustrées de la Recherche, depuis les in-textes dans celle d'Un amour de Swann de Pierre Laprade dans les années 1930, jusqu'à celle de Pierre Alechinsky, qui l'orne dans les marges, et de Yan Nascimbene, persuadé qu'» il faut illustrer entre les lignes [...] pour offrir peut-être un petit plaisir supplémentaire au lecteur ». Dans le même esprit, en faisant appel à des dessins peu connus de Proust et à ceux d'autres artistes, dont un inédit de Laurent de Commines ou un de Sempé provenant d'une collection particulière, cet ouvrage examine comment les artistes ont relevé le défi d'illustrer À la recherche du temps perdu.