Adoptant un rythme lent et une attitude méditative, Carl Spitteler évoque ici l'histoire en partie autobiographique d'un amour non partagé. Victor, poète qui n'a pas encore donné toute la mesure de son talent, retourne à son village natal avec le seul espoir que la femme qu'il aime daigne jeter les yeux sur lui. Entre-temps, celle-ci, une femme toute ordinaire, s'est mariée et a eu un enfant. Elle n'est qu'une banale bourgeoise mère de famille engoncée dans les conventions sociales de son village. Il écrit alors ses confidences à une amie. En réalité, entre lui et celle qu'il a élevée en image céleste, il n'y a jamais eu qu'une simple rencontre fortuite. La femme sublimée et son incarnation dans le réel lui apparaissent comme les aspects divers d'une seule et même créature qui règne sur sa pensée. Il réalise que son amour inconditionnel n'est qu'une chimère, une image d'amour, une "Imago". Mais en quittant le village, il rencontre Imago dans toute sa splendeur, comprenant que celle-ci est en réalité la femme archétypale que son imagination créatrice lui accorde et qu'il n'abandonnera jamais. "Imago", qui a valu à Spitteler le prix Nobel de littérature en 1919, a eu une grande importance pour la recherche psychanalytique dans la part qu'elle accorde à la lutte entre le rêve et la réalité. Carl Gustav Jung s'en inspira pour élaborer son concept d'Imago et Sigmund Freud reprit le nom pour sa revue de psychanalyse.