Archéologie
Terra Amata
Tome III
Témoin exceptionnel d'une étape fondamentale dans l'évolution culturelle de l'Homme, le site préhistorique de Terra Amata a acquis une renommée internationale en livrant des foyers aménagés parmi les plus anciens connus sur la planète.
Terra Amata est situé à Nice, au pied du versant occidental du mont Boron, à proximité de l'actuel Vieux Port. Entre 400 000 et 380 000 ans, des groupes humains de culture acheuléenne ont occupé à vingt-six reprises ce site de plein air alors situé sur une plage à l'embouchure orientale du Paillon, près d'un repère naturel, un grand bloc rocheux, et non loin d'une source d'eau douce.
La répartition spatiale du matériel archéologique, l'industrie et la faune, et l'étude paléoethnographique des différents sols d'occupation, ont mis en évidence, sur le même secteur, des aménagements successifs de huttes ovales de 5 à 11 m de longueur et de 3 à 6 m de largeur, en arrière d'un bourrelet de galets rejetés sur le littoral par de violents coups de mer. C'est à l'intérieur de ces structures légères que les chasseurs-cueilleurs de Terra Amata ont aménagé à plusieurs reprises un foyer, certes de petite dimension, mais d'une immense portée socio-culturelle : ces très anciens Azuréens savaient apprivoiser le feu et, sans aucun doute, exploiter ses multiples avantages, jalons ajoutés à la marche en avant de l'aventure humaine.
Outre la domestication du feu et l'aménagement de foyers sur sols d'habitat, l'utilisation de granules d'ocre jaune et rouge, laquelle laisse penser que les nomades acheuléens coloraient leur peau, témoigne d'une étape supplémentaire dans l'évolution des processus de cognition, et plus précisément dans les capacités d'abstraction du cerveau humain. L'Homme prend conscience de son individualité, de sa personnalité, de sa faculté à affirmer sa différence au sein du vivant, autant de prémices de l'explosion de la pensée symbolique.
Dans l'environnement de Terra Amata, dans les zones marécageuses du delta du Paillon et de la plaine de Nice, les Acheuléens pratiquaient la chasse, soit activement, en piégeant les herbivores dans les zones fangeuses, soit passivement, en dépeçant des charognes d'éléphants, et en moindre mesure d'aurochs et de rhinocéros. Sur les pentes et les hauteurs du mont Boron, ils cherchaient et traquaient le cerf, mais aussi le sanglier et le Tahr, un caprine au pied sûr.
Des rapprochements significatifs peuvent être faits avec d'autres sites du Pléistocène moyen de l'Europe méridionale, occupés également par des groupes acheuléens, sites qui ont livré de nombreux restes osseux d'éléphants, tels que la Polledrara di Cecanibbio et Torre in Pietra en Italie, ou Ambrona, Torralba et Aridos en Espagne.
Le bilan des études effectuées sur le site de Terra Amata fait l'objet de la publication d'une monographie composée de cinq tomes. Le tome III, consacré à l'individualisation des unités archéostratigraphiques (Chapitre 23) et à la description des différents sols d'occupation acheuléens (Chapitre 24) permet de découvrir les caractéristiques des vingt-six niveaux archéologiques du site. En même temps, il nous invite à mieux appréhender les modes d'occupation de l'espace des chasseurs d'éléphants qui nomadisaient sur le littoral nord-méditerranéen, il y a 4 000 siècles, et faisaient halte sur la plage toujours retrouvée de Terra Amata.